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LA PATRICIENNE

que aussi une haute antiquité, une histoire et une tradition. En outre, aux yeux des patriciens, du moins nous le supposons, tout homme qui a reçu une excellente instruction, s’est acquis en même temps le droit de se présenter partout ; de sorte que, peut-être sans le vouloir et sans y songer, les sages brahmanes qui pontifient dans les universités servent d’intermédiaires entre des familles qui, sans eux, ne se verraient jamais. Tout bien considéré, c’est encore une mission civilisatrice et non la moins ingrate.

Il ne faut pas croire, toutefois, qu’au bal de cette année-là, il y eut un rapprochement plus grand qu’aux bals précédents. Nullement. On distinguait aussi une gauche et une droite, avec cette différence notable que les simples bourgeois occupaient toute la partie droite de la salle, tandis que la société qui s’imaginait être la première s’était emparée du côté gauche. Les professeurs, avec leurs familles, allaient vers les uns et vers les autres, selon leurs goûts et leurs préférences. Cependant, il semblait que quelques-uns montraient beaucoup plus d’empressement autour des patriciens.

Les dames de l’aristocratie ne dansaient naturellement qu’avec des hommes de leur monde. Aussi avaient-elles su très bien s’arranger, pour que, dès le premier moment, elles fussent dans l’impossibilité d’accepter aucune invitation. Si l’un des jeunes gens, professeur ou étudiant d’origine bourgeoise, s’avisaient de demander une danse à l’une ou l’autre de ces nobles dames, ils étaient presque tous éconduits par la même réponse :