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la patricienne

demain, avec votre discours, si vous trouvez l’occasion de le répéter quelque part. Excusez-moi, monsieur ! Mais, en ma qualité de pauvre femme, dont la logique a été négligée, autant vaut dire pas cultivée du tout, je ne vois qu’une chose dans toutes vos belles paroles.

— Et laquelle ?

— C’est que demain vous aurez plus de plaisir à aller voter pour une question qui, selon vous, peut déjà être considérée comme tranchée, que de faire une promenade avec Amédée et avec moi. Affaire de goût, naturellement. Par conséquent, ne vous gênez pas. Disposez de votre temps comme il vous plaira. Et, au moins, fit-elle, cette fois riant plus fort, et au moins, je vous en prie, ne croyez pas que j’aie voulu imiter Valentine, dans les Huguenots, et vous retenir comme elle retint Raoul, loin du champ de bataille où vous serez l’adversaire de mon père. Non, et heureusement, ce n’est pas si tragique que cela.

À ces derniers mots, elle était devenue d’un rouge pourpre. Elle n’avait pas songé que Valentine est l’amante de Raoul. La passion l’avait emportée. Son rire sec, nerveux, s’accentua encore et elle se leva pour rentrer dans la villa.

Le docteur avait aussi quitté sa place. Un trouble singulier se lisait dans les traits de son visage et dans la profondeur de ses yeux, qui se voilaient à demi, pour mieux conserver peut-être un tableau d’avenir entrevu.

Il se rapprocha tout à coup de la jeune fille et lui murmura doucement, comme un souffle :

— Pourquoi me tourmentez-vous ainsi, mademoiselle ? Que vous ai-je donc fait ? dites-le. Oui,