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la patricienne

centaine de couples d’électeurs se désintéressent complètement de la chose publique, qu’arrivera-t-il ? Car, enfin, le cas pourrait se produire, on l’a déjà vu et il se renouvellera encore.

Ce qu’il arriverait, mademoiselle ? Mais, l’État, ou la commune, tomberaient bientôt sous la domination, la direction exclusive de quelques ambitieux, de quelques agitateurs, dont les professions de foi ne sont pour eux que l’échelle à l’aide de laquelle ils parviennent aux honneurs et à la fortune.

Puis, au retour de leur promenade, je continue mon hypothèse, ces citoyens — au cœur léger — apprendraient qu’une révolution s’est accomplie, qu’une infime minorité a imposé un nouvel ordre de choses à une forte majorité, de même qu’en Sicile deux ou trois bandits terrorisent toute une contrée.

Au surplus, ajouta le docteur, après quelques secondes de silence, que le résultat de cette votation soit ou ne soit pas tel que je le désire, c’est toujours humiliant pour un homme de l’accepter sans y avoir coopéré. La démocratie est l’expression de la volonté du peuple. On n’a pas brisé, aux âges enfuis, le régime de quelques familles pour rétablir, de nos jours, la domination d’un petit groupe de tribuns qui deviendraient facilement des dictateurs, si la République ne s’appuyait pas sur la majorité de tous les citoyens.

— Eh ! eh ! M. le docteur, il me semble que voilà un vrai cours d’université, observa la jeune patricienne d’une voix mordante et en riant avec éclat, mais d’un rire qui ne montait certainement pas du cœur. Oui, oui, vous obtiendrez un grand succès