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ÂME BLANCHE

magnifique, imposant, colossal, qui disait, les yeux gros de sommeil et la bouche tiraillée de bâillements :

— Josine, faites-la taire.

C’était le docteur Veydt ; je le connaissais, pour l’avoir vu dans toutes les circonstances solennelles de ma jeune vie. Il était inoubliable.

Sa fille, confuse, répondit :

— C’est la petite de Jules. Elle demande sa bonne.

Mais l’autre, prodigieusement méprisant, répétait, les mains sur ses oreilles :

— Faites-la taire, faites-la taire.

Et la porte au rideau de percale se referma sur mes cris, avec indignation.

Alors, je cessai de me plaindre, je ne demandai plus Dauka : je me cramponnai à ma tante Josine, de toutes mes forces, saisie d’épouvante devant ce grand vieux si beau et si terrible sous la noblesse de ses cheveux blancs bouclés, avec l’accent autoritaire de sa voix. Et il me semblait avoir aperçu un être surnaturel, quelqu’un de tout-puissant qui tenait, à la fois, du Croquemitaine dont on m’avait menacée quand je n’étais pas sage, et d’un saint apôtre dont ma bonne avait une statuette sereine et bénisseuse sur sa cheminée.

Mlle Veydt, me portant toujours sur son bras, gagnait le second étage et m’introduisait dans sa chambre. Là, les verrous tirés, elle me déposa à terre et voulut m’enlever mon chapeau.