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ÂME BLANCHE

de ces chagrins d’enfant, immenses et si cruels que, des années après, leur pensée seule évoque une image plus noire que tout ce que la pratique de la vie a pu apporter de désolant. Mais, soudain, comme je levais les yeux sur la muraille, un visage peint, un visage connu, aimé, un charmant et jeune visage d’homme m’apparut, souriant dans un cadre d’or qu’une grande couronne de pensées artificielles entourait :

— Mon papa ! fis-je, un peu consolée, ravie de la rencontre et les bras tendus vers ce portrait, tout pareil à un autre que nous avions à la maison et qu’on m’avait appris à révérer.

— Oui ; votre papa, redit Mlle Veydt.

Et ce que n’avaient pu faire mon désespoir et mon insurrection, la vue du portrait de son frère le fit : elle s’amadoua un peu, me regardant avec moins de froideur. Même, j’aperçus comme un éclair de pitié illuminant ses yeux ternes ; elle contemplait tour à tour la toile et mon visage, et elle alla jusqu’à ajouter, d’une voix radoucie :

— Vous lui ressemblez beaucoup, à votre papa.

Elle avait dit cela très bas, comme à regret, et je sentis bien qu’elle eût préféré ne pas convenir de cette ressemblance ; la phrase devait lui être échappée malgré elle, frappée qu’elle était, certainement, de l’étonnante similitude existant entre la physionomie de mon père et la mienne.