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ÂME BLANCHE

mon aïeul rendait ces gens rouges de bonheur ; on mangeait avec componction les frugales petites choses servies avec tant de raffinement dans la salle à manger d’apparat. Et aux premières paroles du speach, toujours le même : banal merveilleusement et creux avec beaucoup d’éclat, que ce patriarche ne manquait jamais d’improviser en réponse aux congratulations que lui présentait sa famille au coup de minuit, tous pleuraient. Pour la péroraison, il étendait la main d’un geste auguste, il disait, fort grave, d’une voix pénétrée :

— Mes enfants, je vous bénis.

Et jeunes et vieux se prosternaient ravis, aux anges, balbutiant avec idolâtrie :

— Oncle Edouard… cher, cher oncle Edouard ! Ni plus ni moins que s’il eût, à la minute, fait jaillir à leur profit la source de toutes les félicités.

Puis on se retirait, en répétant à l’envi :

« Quel brave homme ! Quel homme admirable ! » Sans trop connaître en quoi M. Veydt méritait ces qualificatifs. Mais ne suffisait-il pas qu’il eût l’air de les mériter ? Au fond, je crois qu’on lui était reconnaissant de posséder, justement, l’apparence qui permît d’en faire l’objet d’une telle dévotion.

La foi est une vertu si délicieuse à exercer que ce n’est pas trop d’en savoir gré à qui nous l’inspire.