Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/200

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anglais qu’ils regardent comme un compromis entre une personnalité vulgaire et une banale photographie.

Ensuite vient le jeune Italien, qui a passé la Manche tout exprès pour être modèle, ou qui le devient quand son orgue de barbarie est en réparation.

Souvent il est tout à fait charmant avec ses grands yeux mélancoliques, sa chevelure frisée, et son corps svelte et brun.

Il mange de l’ail, il est vrai, mais enfin debout, il sait se tenir comme un fauve, et couché, comme un léopard.

Aussi lui pardonne-t-on son ail.

Il est toujours pleins de jolis compliments, et il passe pour avoir adressé de bonnes paroles d’encouragement, même à nos plus grands artistes.

Quant au jeune Anglais du même âge, il ne pose pas du tout.

Apparemment il ne regarde pas la carrière de modèle comme une profession sérieuse.

En tout cas, il est malaisé, sinon impossible, de mettre la main sur lui.

Les petits Anglais sont aussi difficiles à avoir.

Parfois un ex-modèle qui a un fils, lui frisera les cheveux, lui lavera la figure, et le promènera d’un atelier à l’autre, bien savonné, bien reluisant.

La jeune école ne le goûte guère, mais l’école plus ancienne l’accepte, et quand il apparaît sur les murs de l’Académie Royal, on l’appelle l’Enfance de Samuel.

De temps à autre aussi, un artiste happe dans le ruisseau une paire de gamins et leur demande de venir dans son atelier.