Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/107

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qu’ils en aient faim ou non, et qui a été mâché et digéré quantité de fois par des gens que cela n’intéressait pas, en vue de le servir à d’autres gens que cela n’intéressait pas davantage.

J’arrêtai par mon rire la colère montante du vieillard et dis :

— Mais, vous, du moins n’avez pas reçu un tel enseignement ; vous pouvez donc laisser passer un peu votre colère.

— C’est vrai, c’est vrai, dit-il en souriant. Je vous remercie de réprimer mon mauvais caractère : je m’imagine toujours vivre à l’époque dont nous parlons, quelle qu’elle soit. Mais cependant, pour m’exprimer plus posément, vous vous attendiez à voir jeter les enfants dans des écoles, lorsqu’ils ont atteint un âge supposé par convention l’âge convenable, quelles que puissent être leurs facultés et leurs goûts divers, pour y être soumis, avec le même mépris des faits, à un certain programme convenu « d’instruction ». Mon ami, ne voyez-vous pas qu’une telle manière de faire implique l’ignorance du fait de la croissance, tant physique que mentale ? Personne ne pourrait sans dommage sortir d’un tel moulin ; et ceux-là seulement pourraient éviter d’y être écrasés, en qui l’esprit de révolte serait puissant. Heureusement, il en a été ainsi de la plupart des enfants, dans tous les temps, sans quoi je ne sais pas si nous aurions jamais atteint notre présente situation. Vous voyez maintenant à quoi se réduit tout cela. Dans les vieux temps, tout cela était le résultat de la pauvreté. Au dix-neuvième siècle, la société était si misérable-