Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/17

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et même un peu au-delà, à peu près jusqu’à l’ancien emplacement de l’usine de savons. Les deux rives portaient une rangée de très jolies maisons, basses et peu grandes, à une petite distance du bord de l’eau ; elles étaient construites surtout en briques rouges, les toits étaient de tuiles, et, par dessus tout, elles paraissaient confortables et vivantes, pour ainsi dire, et en harmonie avec la vie de leurs habitants. Sur le devant, un jardin continu descendait jusqu’au bord de l’eau, une luxuriante floraison s’y épanouissait en ce moment, et envoyait par dessus les remous du fleuve de délicieuses effluves de senteur estivale. Derrière les maisons, je voyais s’élever de grands arbres, surtout des platanes, et en regardant sur le fleuve, les langues de terre du côté de Putney donnaient l’impression d’un lac bordé d’une forêt, tant les gros arbres se serraient ; et je dis tout haut, mais comme à moi-même :

— Bon, ça me fait plaisir qu’on n’ait pas construit au delà de Barn Elms.

En laissant échapper ces mots, je rougis de mon impertinence, et mon compagnon me regarda avec un demi sourire que je crus comprendre ; aussi, pour cacher ma confusion, je dis :

— Faites-moi aborder maintenant, je vous prie : je vais déjeuner.

Il fit un signe de tête, et fit tourner la barque d’un coup adroit ; en un instant nous étions revenus au ponton d’abordage. Il sauta, et je le suivis ; naturellement je ne fus pas surpris de