Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/193

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Si horrible que fût le massacre, si horrible et accablante qu’eût été la première terreur, dès que le peuple eut le temps d’y réfléchir, il éprouva plutôt un sentiment de colère que de peur ; pourtant l’organisation militaire de l’état de siège fut alors appliquée sans restriction par le jeune général capable. Car, si les classes dirigeantes, lorsque les nouvelles se répandirent le lendemain matin, eurent un sursaut d’horreur et même d’épouvante, le gouvernement et ses partisans immédiats sentirent que le vin était maintenant tiré, et qu’il fallait le boire. Pourtant, même les plus réactionnaires des journaux capitalistes, sauf deux exceptions, foudroyés par les effroyables nouvelles, ne firent que rendre compte de ce qui avait eu lieu, sans aucun commentaire. Les exceptions furent, l’une, un journal dit « libéral » (c’était la couleur du gouvernement d’alors) : après un préambule où il déclarait son inaltérable sympathie pour la cause du travail, le journal continuait en indiquant qu’il convient, à des époques de troubles révolutionnaires, que le gouvernement soit juste, mais ferme, et que le moyen de beaucoup le plus compatissant de traiter les pauvres insensés qui attaquaient les bases mêmes de la société (qui les avait rendus insensés et pauvres) était de les fusiller tout de suite, afin d’empêcher les autres de prendre en masse une position telle qu’ils courraient risque d’être fusillés. Bref, il louait l’acte résolu du gouvernement, comme le summum de la sagesse et de la pitié humaines, et se réjouissait