Page:William Morris - Nouvelles de Nulle Part.djvu/247

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épaules de chacun d’eux ; et notre hôte aussi, avec son savoir et son expérience d’outre-mer ; — oui, et vous-même, grand-père (un sourire passa sur sa figure en disant cela), avec toute votre humeur et votre désir de vous retrouver au bon vieux temps, — où, autant que je puis comprendre, un vieillard inoffensif et paresseux comme vous, ou bien serait à peu près mort de faim, ou bien aurait dû payer des soldats et des hommes pour prendre de force aux gens leur nourriture, leurs habits et leurs maisons. Oui, voilà nos livres, et, s’il nous en faut d’autres, ne pouvons-nous pas trouver de l’ouvrage dans les magnifiques constructions que nous élevons dans tout le pays (et je sais qu’il n’y a rien eu de pareil aux époques passées), où un homme peut montrer tout ce qu’il a en lui, et exprimer son esprit et son âme dans le travail de ses mains.

Elle s’arrêta un moment et je ne pouvais m’empêcher de la contempler et de penser que, si elle était un livre, les illustrations en étaient très charmantes. Le rouge montait à ses joues délicates, brûlées de soleil ; ses yeux gris brillaient dans sa face brune, nous enveloppaient d’un bon regard. Elle s’arrêta, puis continua :

— Quant à vos livres, ils étaient bons dans un temps où des gens intelligents n’avaient guère autre chose à quoi ils pussent prendre plaisir, et où ils étaient bien obligés de pallier les viles misères de leur propre vie en s’imaginant les vies d’autres êtres. Mais j’affirme que, malgré toute leur habileté, leur énergie, leur