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L’APPEL DU CHIBOUGAMAU

La neige est dans l’air. Comme j’emballe mes bagages en prévision de mon départ, j’entends parler d’un vieux prospecteur et trappeur qui habite le Chibougamau depuis de nombreuses années. Je vais donc lui rendre visite dans sa cabane perdue en pleine brousse. Il a l’air d’un ancêtre, avec sa peau ridée et cuivrée, mais il est demeuré alerte et vif de mouvement, et ses yeux pétillent lorsqu’il parle.

Il place tout d’abord une cafetière sur le poêle, puis il se met à raconter des histoires de chasse à l’orignal, de poursuite du caribou, du piégeage des ours. Puis d’autres récits de la vie dans la brousse se succèdent.

Brusquement, il demande : « Vous êtes montréalais ? »

Je réponds oui.

— « Dure existence », réfléchit-il tout haut en brassant le café.

— Je crois qu’il s’agit de l’existence au Chibougamau : « En effet, dis-je, je puis facilement m’imaginer ce qu’ont dû être quarante années dans la forêt ».

Se tournant de mon côté : « Je ne parle pas de la forêt, dit-il d’une voix irritée : je parle de Montréal. C’est là que la vie est dure. J’y descends une fois l’an et j’en reviens à moitié mort. Je connais une gentille petite dame rue Saint-Denis. Quand je retourne au Chibougamau, je suis une ruine. Non. Chibougamau est un endroit calme : mais Montréal, oh alors ! »

Lorsque je quitte le Chibougamau, ces mots joyeux me résonnent aux oreilles. Une mince couche de glace recouvre déjà les baies tranquilles et le sol devient blanc. J’ai devant moi quelque six mois frigorifiés qui me permettront de rêver à la grande Spa minérale que je veux créer et à la veine d’or fabuleuse que j’espère mettre à jour, grâce à ma foreuse à diamant !

Durant ces longs mois d’hiver, Chibougamau dort sous cinq pieds de neige, engourdi par des froids de quarante,