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Page:Witkowski, Nass - Le nu au théâtre depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, 1909.djvu/23

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le décolletage dans la salle

D’autres fois, c’est le sexe fort, excité sans doute par les provocations féminines, qui se livre à des plaisanteries d’un goût douteux. Une entre autres, qui montre que Caruso, — ou le singe, — a eu des prédécesseurs.

En 1829, au théâtre Feydeau, existait un petit escalier par lequel on pénétrait dans les coulisses. Dazainville, ancien acteur de l’Opéra-Comique, y montait un jour accompagné de sa femme, lorsque celle-ci lui dit : « Mon ami, on me pince. — Que veux-tu que j’y fasse ? répond ce mari philosophe ; je ne puis chercher dispute à tout le monde ; tâche de l’empêcher de crier ; retiens-toi le plus que tu pourras… »

D’autres fois, enfin, le public se fâche tout de bon et commet des excès déplorables ; le 8 juin 1783, une véritable émeute éclata à la Comédie d’Orléans : quelques jeunes gens sifflaient des actrices, sous prétexte qu’elles étaient exécrables dans Le Jeu de l’Amouret du Hasard. Mais ils ne se bornèrent pas à cette manifestation bruyante ; ils quittèrent le parterre, montèrent sur la scène, s’emparèrent des actrices et les fouettèrent congrument. Cette mauvaise langue de Bachaumont, qui rapporte l’anecdote, ajoute que le véritable prétexte de cette fessée « était que ces demoiselles avaient distribué à ces messieurs des galanteries douloureuses et qui leur avaient donné de l’humeur[1] ! »

Que les temps sont changés ! Aujourd’hui, on plaide pour cause d’avarie, et le plaignant est admis à faire la preuve. Autrefois, il se vengait lui-même, coram populo, comme en témoigne l’anecdote ci-dessus. Entre ces deux écoles l’ancienne valait peut-être mieux.

Avant de terminer, rappelons, avec MM. Capon et Yve-Plessis[2], un incident scandaleux qui se produisit, en fin de spectacle, au théâtre construit dans l’hôtel de M. Pajot de Villers, un des amants de Mlle Astraudi, de la Comédie-Italienne. Écoutons le procès-verbal du commissaire : « Le cocher s’avisa de monter sur le théâtre, d’y défaire sa culotte… alors le nommé Calopin, nègre, au service de mondit sieur de Villers, leva la toile de façon que les personnes restantes virent à nu le derrière de ce cocher qui s’étoit courbé dans ce dessein et qui a même claqué ses mains dessus, pour le faire apercevoir… » Parmi les témoignages à charge, une

    spectateurs et des spectatrices qui recherchent à cet effet l’ombre propice des baignoires grillées.

    Deux anecdotes, toutefois, sur ce sujet scabreux. L’une concerne un célèbre compositeur du dix-neuvième siècle, dont les œuvres sont restées au répertoire, et qui s’organisait, paraît-il, seul, au fond d’une loge de l’Opéra, en se laissant bercer par la musique. L’autre s’applique à un bourgeois, moins fameux, un ménage brouillé depuis longtemps et qui se réconciliait, aux Français, dans l’obscurité d’une baignoire quand soudain la porte céda et nos deux époux tombèrent à la renverse, sans avoir le temps de réparer le désordre de leur toilette. Cette dernière aventure date de sept ou huit ans.

  1. Bachaumont, Mémoires secrets.
  2. Les Théâtres clandestins.