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Page:Witkowski, Nass - Le nu au théâtre depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, 1909.djvu/60

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le nu au théâtre

Enthousiastes, aussi, ses nombreux amants, admirateurs de l’opulente gorge qu’elle tenait toujours découverte : comme le Grand Dauphin, ils savaient apprécier les ressources qu’offre aux amateurs l’hypertrophie mammaire.
Fig. 38.

Aussi bien, le public du dix-septième siècle n’avait eu jusqu’alors, à contempler sur la scène que les seins postiches des hommes jouant des rôles féminins. Le masque et des attributs de coton suffisaient à donner le change. On peut juger par la gravure de la figure 37 — le portrait du sieur Mantienne, dans le rôle de la Haine de l’{{sc[Armide}}[1] — qu’il fallait beaucoup de bonne volonté pour s’illusionner sur le sexe du personnage. Aussi, lorsque d’authentiques actrices exhibèrent devant la rampe d’authentiques appas, le succès fut-il grand. On discuta à perte de vue sur le mérite des femmes autant que sur la valeur des pièces. Faut-il rappeler la polémique qui s’engagea autour de la Phèdre de Racine, de la Phèdre et Hippolyte de Pradon, et de leurs interprètes. Le duel des sonnets est une triste page de notre histoire littéraire, mais les ripostes furent vives, d’autant plus que des femmes étaient en jeu.

  1. La furie d’Hippolyte et Aricie (1733), portait deux fortes mamelles postiches (fig. 38). Cette tragédie lyrique de l’abbé Pellegrin, « qui vivait de l’autel et soupait du théâtre », fut chantée à Paris par un ténor italien, un évadé de la Sixtine. On comprend les sourires qu’il provoquait quand il chantait :

    À l’amour rendons les armes
    Donnons-lui tous nos moments.

    Les dames de qualité trouvaient qu’il chantait bien, « mais, ajoutaient-elles, il lui manque quelque chose ».