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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/140

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NOS MAÎTRES

se sera décidé à ne pas attacher une importance aussi exclusive à l’élément intellectuel dans la poésie.

Ah ! ce maudit besoin de comprendre que nous portons aujourd’hui en toutes choses, et qui dévaste notre vie, corrompant à leur source nos seuls vrais plaisirs ! J’ai honte d’y avoir si longtemps cédé : il me semble maintenant qu’en voulant expliquer, traduire en d’abstraites idées les poèmes de M. Mallarmé, je les rabaissais à être des façons de prestigieux rébus. Leur valeur est, en vérité, plus haute. Ils sont œuvre non de littérature, mais d’art. Ils s’adressent à notre sensibilité, par-delà notre intelligence ; et nous devons les prendre tels qu’ils se présentent à nous, et laisser qu’ils nous charment. Car leur poésie est avant tout une musique.


Et les poèmes de M. Mallarmé n’ont pas seulement cette musique qui résulte des variations du rythme et de l’agencement des mots. Ils sont encore comme l’harmonieux écho d’une âme magnifique de poète : c’est par là qu’ils me touchent le plus, c’est par là qu’ils ont pris tant d’empire, depuis dix ans, sur les jeunes générations. Pour nous tous qui avons eu le bonheur de l’approcher, M. Mallarmé restera toujours la parfaite incarnation du Poète idéal.

L’homme est bien tel que l’a représenté M. Whistler, au frontispice de l’édition nouvelle de ses œuvres, la tête haute, les yeux levés, serein et dédaigneux ; mais combien d’autres qualités nous