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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/259

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QUESTIONS D’ESTHÉTIQUE LITTÉRAIRE

Cette inutilité est pourtant si manifeste que les critiques eux-mêmes, dans le secret de leur cœur, n’ont pu éviter de la reconnaître. Il n’y en a pas un, en tout cas, parmi les plus remarquables d’aujourd’hui, qui n’ait plus ou moins renoncé à faire vraiment de la critique, c’est-à-dire à porter des jugements sur les œuvres d’art. La vraie critique ne se trouve plus guère que dans les journaux ; encore y est-elle en général d’une partialité trop visible, ce qui réduit à presque rien la portée de ses jugements.

Quant à ceux de nos écrivains que nous appelons nos critiques, et dont les œuvres trouvent à présent chez nous un si légitime succès, je ne crois pas qu’un seul d’entre eux soit proprement un critique. Ils ne jugent plus les œuvres dont ils parlent, ou du moins s’il les jugent ce n’est plus que par occasion, et sans prétendre à nous imposer les opinions qui leur plaisent. À mesure que sont arrivés à la critique des talents plus nombreux et plus forts, le genre même de la critique s’est insensiblement transformé. Et, suivant la diversité des tempéraments et des habitudes de penser, divers genres nouveaux se sont constitués, avant entre eux ce trait commun qu’ils sont tous également éloignés de l’ancienne critique, de celle qui portait des jugements, et se posait en intermédiaire entre les auteurs et le public.

Ces variétés de la critique contemporaine sont trop connues pour que j’aie besoin de les énumérer. On sait comment, sous prétexte de critique, M. Faguet compose de solides et vivants portraits,