Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/100

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si nous rencontrons quelque chose de bien, nous le recueillons, et nous regardons comme un grand profit de nous être utiles les uns aux autres. »

Pour moi, quand j’entendais ces paroles, je croyais que Socrate était heureux et qu’il conduisait ses auditeurs à la vertu.

Une autre fois encore, Antiphon lui ayant demandé pourquoi, s’il se flattait de rendre les autres habiles dans la politique, il ne s’occupait pas lui-même de la politique, qu’il prétendait connaître : « Lequel vaut donc mieux, Antiphon, répondit Socrate, de m’occuper tout seul de politique ou de consacrer mes soins à rendre un grand nombre de gens capables de s’en occuper ? »


CHAPITRE VII.


Comment Socrate détournait ses disciples du charlatanisme et de l’ostentation.


Examinons encore si, en détournant ses disciples du charlatanisme, il les tournait à la pratique de la vertu ; car il disait toujours qu’il n’y a pas de plus beau chemin vers la gloire que quand un homme de bien est réellement tel qu’il veut paraître. Et la vérité de son assertion, il la prouvait ainsi : « Supposons, disait-il, qu’un homme, qui ne serait pas bon joueur de flûte, voulût le paraître, que devrait-il faire ? Ne lui faudrait-il pas se donner artificiellement tous les dehors des bons joueurs de flûte ? Et d’abord, comme les bons artistes possèdent un bel attirail, et s’entourent de nombreux acolytes, il lui faudrait faire de même ; ensuite, comme ils ont un grand nombre dé gens qui les prônent, il devrait aussi se procurer beaucoup de preneurs[1]. Cependant il ne devrait jamais se mettre à l’œuvre, ou bien il se couvrirait aussitôt de ridicule,

  1. Lucien, dans son Maître de rhétorique, 21, parle ainsi de ces sortes de claqueurs : « Ayez des amis qui trépignent sans cesse et vous payent ainsi le prix de vos dîners. S’ils s’aperçoivent que vous allez faiblir, ils doivent alors vous tendre la main, et vous ménager, en applaudissant, le temps de retrouver ce que vous voulez dire. Un de vos premiers soins, en effet, est de vous former un chœur dévoué et qui chante avec ensemble. »