Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/158

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beau pour la lutte ne l’est pas pour la course ; enfin, les choses sont belles et bonnes pour l’usage auquel elles conviennent ; elles sont laides et mauvaises pour l’usage auquel elles ne conviennent pas. »

De même, lorsque Socrate disait que la beauté d’un édifice consiste dans son utilité, il me semblait qu’il enseignait le meilleur principe de construction. Voici comment il raisonnait : « Quand on fait bâtir une maison, disait-il, ne s’ingénie-t-on pas des moyens qui peuvent en rendre le séjour le plus possible agréable et commode ? » Ce principe une fois admis : « N’est-il pas agréable qu’elle soit fraîche pendant l’été et chaude pendant l’hiver ? » Ce second point étant aussi accordé : « Eh bien, quand les maisons regardent le midi, le soleil ne pénètre-t-il pas, en hiver, sous les galeries extérieures[1], et, en été, passant au-dessus de nos têtes et par-dessus les toits, ne nous procure-t-il pas de l’ombre ? Alors, si ce sont là de bonnes conditions, n’est-il pas vrai qu’il faut que les toits des galeries tournées vers le midi soient plus élevés, afin que le soleil d’hiver n’en soit point exclu, tandis que ceux des galeries tournées au septentrion doivent être plus bas, afin que les vents froids ne puissent y entrer ? En un mot, l’édifice qui fournit, en toute saison, la plus agréable retraite et le dépôt le plus sûr pour ce que l’on possède, ne peut manquer d’être le plus agréable et le plus beau : les peintures et les bariolages ôtent plus de plaisirs qu’ils n’en procurent. » Il disait encore que, pour les temples et les autels, l’emplacement le plus convenable est un lieu bien découvert et complétement isolé : car il est agréable pour prier de n’avoir point une vue bornée, et il est encore agréable d’approcher des autels sans se souiller.

  1. En grec παστάσες, galeries couvertes d’un toit. Selon de Pauw (Recherches philosophiques sur les Grecs, t. I, p. 57), les maisons d’Athènes offraient toutes un grand vice de construction. Les escaliers y donnaient sur les rues, et les appartements supérieurs, bâtis en saillie, défiguraient les façades, offusquaient la vue et diminuaient la circulation de l’air. C’était une conséquence de la cupidité des propriétaires, qui, en élevant des espèces de galeries au-dessus de la tête des passants, tâchaient, autant qu’ils le pouvaient, d’envahir les rues mêmes. — Les lecteurs qui désireront un plus ample commentaire sur ce passage, trouveront dans les notes de l’édition de Weiske, sur ce chapitre, une description très-nette et très-précise du plan d’une maison grecque, d’après Vitruve.