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LIVRE IV.


CHAPITRE PREMIER.


Comment Socrate était utile aux jeunes gens en éprouvant leur naturel et en leur donnant des conseils appropriés à leur caractère et à leurs vues.


Socrate était si utile en toute occasion et de toute manière, que n’importe qui, en y réfléchissant, même avec une intelligence ordinaire, pouvait aisément comprendre que rien n’était plus avantageux que son commerce et sa fréquentation assidue partout et en toute circonstance : car son souvenir même, à défaut de sa présence, était d’une grande utilité à ses disciples habituels et à ceux qui l’acceptent encore pour leur maître ; et il n’était pas jusqu’à son badinage qui ne fût utile, autant que les leçons sérieuses, à ceux qui demeuraient auprès de lui. Souvent il disait qu’il aimait quelqu’un ; mais on voyait bien que, loin de rechercher la beauté du corps, il ne s’attachait qu’à ceux dont l’âme était heureusement portée à la vertu. Il regardait comme l’indice d’un bon naturel la promptitude à apprendre et à retenir, l’amour de toutes les sciences qui enseignent à bien administrer une maison ou une cité, en un mot à tirer bon parti des hommes et des choses[1]. Il pensait qu’ainsi formé, non-seulement l’on devient heureux soi-même, capable d’administrer sagement sa maison, mais, de plus, en état de rendre heureux d’autres hommes et des cités. Il ne traitait pas tous les hommes de la même manière ; mais, à ceux qui, s’imaginant être doués d’un bon naturel, méprisaient l’étude, il apprenait que les natures les plus heureuses en apparence ont le

  1. Socrate ramène presque toujours la morale à l’utilité pratique et à l’intérêt bien entendu.