Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/193

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sais-tu pas que ceux qui inspirent le mieux aux citoyens l’obéissance aux lois, sont de tout point les meilleurs ; qu’un État où les citoyens sont les plus soumis aux lois est aussi le plus heureux pendant la paix et le plus invincible à la guerre ? D’ailleurs, la concorde paraît être pour les cités le plus grand des biens ; aussi, très-souvent dans les États, les sénateurs et les hommes les plus éminents recommandent-ils aux citoyens de rester d’accord ; c’est même une loi établie dans toute la Grèce, que les citoyens jurent de demeurer d’accord ; et partout ils font ce serment. Or, je ne crois pas que cela se fasse pour que les citoyens s’accordent à décerner la victoire aux mêmes chœurs, qu’ils applaudissent les mêmes joueurs de flûte, qu’ils choisissent les mêmes poètes, qu’ils aient les mêmes goûts, mais pour qu’ils obéissent aux lois : car, tant que les citoyens y demeurent fidèles, les villes sont très-puissantes et très-heureuses ; mais sans la concorde, il n’y a ni ville bien gouvernée, ni maison bien administrée.

« Dans l’état privé, quel moyen plus sûr de ne pas encourir de châtiments publics, quelle voie plus prompte vers les honneurs que l’obéissance aux lois ? Comment s’assurer mieux de ne pas être vaincu dans les tribunaux, mais de triompher dans ses procès ? À qui confiera-t-on plus volontiers sa fortune, ses fils, ses filles ; qui obtiendra plutôt la confiance d’une ville tout entière qu’un homme qui respecte les lois ? De quel autre peuvent attendre plus d’équité un père, des parents, des serviteurs, des amis, des concitoyens, des étrangers ? Avec qui des ennemis aimeront-ils mieux régler une suspension d’armes, une trêve, des conditions de paix ? À qui, plutôt qu’à l’homme fidèle aux lois, viendront s’unir des alliés ? À qui ces mêmes alliés remettront-ils plus volontiers un commandement de troupes, une garde de places fortes ou de villes ? De qui un bienfaiteur espérera-t-il plus de reconnaissance que de celui qui respecte les lois ? et qui aimera-t-on mieux obliger que celui dont on est sûr d’avoir la gratitude ? De qui aimerait-on mieux être l’ami et voudrait-on moins devenir l’ennemi ? Quel est l’homme à qui l’on voudrait le moins faire la guerre, si ce n’est celui dont on désirerait le plus être l’ami, et le moins être l’ennemi, dont tout le monde recherche l’amitié et l’alliance, et dont personne ne voudrait encourir la haine et l’inimitié ? Je te prouve donc, Hippias, que ce qui est légal et ce qui est juste sont une seule et même chose ; si tu as un avis différent, fais-le moi savoir. » Alors Hippias : « Ma foi, Socrate, dit-il,