Aller au contenu

Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tempêtes, on conserve cependant le bon ordre ; quand, malgré la crainte, on trouve cependant tout ce dont on a besoin, nous, qui avons dans notre maison d’amples celliers, distincts les uns des autres, et des pièces solidement établies sur le plancher, nous n’assignions pas aux objets une place convenable et facile à trouver. « Comment, en effet, ne serait-ce pas le comble de l’ineptie ? L’avantage qu’on rencontre à bien ranger les objets, la facilité qu’on trouve à leur assigner une place convenable, nous venons de le dire. Mais la belle chose à voir que des chaussures bien rangées de suite et selon leur espèce ; la belle chose que des vêtements séparés, suivant leur usage ; la belle chose que des couvertures ; la belle chose que des vases d’airain ; la belle chose que des ustensiles de table ; la belle chose, enfin, malgré le ridicule qu’y trouverait un écervelé et non point un homme grave, la belle chose, dis-je, que de voir des marmites rangées avec intelligence et avec symétrie ! Oui, tous les objets sans exception, grâce à la symétrie, paraissent plus beaux encore, quand ils sont disposés avec ordre. Tous ces ustensiles semblent former un chœur : le centre que concourent à former les objets compose une beauté que rehausse la distance des autres ; c’est ainsi qu’un chœur circulaire n’offre pas seulement par lui-même un beau spectacle, mais le centre qu’il forme paraît beau et net aux regards. La vérité de ce que je dis, femme, nous pouvons en faire l’épreuve sans risque et sans peine. Mais ne va pas non plus te décourager, ajoutai-je, en croyant qu’il sera difficile de trouver quelqu’un en état d’apprendre la place de chaque meuble et de se rappeler où il l’aura mis. Nous savons, en effet, qu’il y a dans toute la ville dix mille fois plus d’objets que chez nous : cependant, si tu dis à tel esclave d’aller faire une emplette au marché et de te l’apporter, aucun ne sera embarrassé, tous sauront où il faut aller et prendre n’importe quel objet. Et la cause en est, dis-je encore, que chaque chose est placée en son lieu. Cependant qu’un homme en cherche un autre, qui souvent même le cherchera de son côté, il désespérera de pouvoir jamais le rencontrer : la raison en est simple, c’est qu’ils ne sont point convenus du point où ils se rejoindraient. « Tel est, au sujet de l’ordre de nos effets et de leur usage, l’entretien que j’eus avec ma femme, si ma mémoire ne me trahit point. »