Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/28

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mité chaste et confiante s’est établie entre lui et sa femme. Il craindrait d’effrayer, en lui plaçant trop tôt sous les yeux l’étendue et la variété de ses devoirs, cette nature timide encore et sans expérience. Mais dès qu’il la voit prête à bien apprendre ce qui peut le mieux assurer leur bonheur commun, il offre un sacrifice aux dieux, prie le ciel de lui accorder la faveur de bien l’instruire, et trace un tableau attrayant et fidèle des fonctions respectives de l’épouse et de l’époux.

Et d’abord, ce qui frappe le plus dans cette peinture, c’est de voir Xénophon établir entre eux une égalité complète. À ses yeux, la femme n’est point la première esclave de l’homme, elle en est la compagne : « Dès aujourd’hui, lui dit Ischomachus, cette maison nous est commune ; tout ce que j’ai, je le mets en commun, et toi, tu as déjà mis en commun tout ce que tu as apporté. Il ne s’agit plus de compter lequel de nous deux a fourni plus que l’autre, mais il faut bien se pénétrer de ceci, c’est que celui de nous deux qui gérera le mieux le bien commun, fera l’apport le plus précieux. » Cependant, comme l’égalité n’exclut en rien la diversité de la fonction et de la tâche, chacun des deux époux a ses occupations nettement tracées et définies. À l’homme le travail du dehors, la vie en plein air, le défrichement, les semailles, les plantations, l’élève des troupeaux, la surveillance des esclaves. À la femme, le travail du dedans, la vie intérieure, la garde des provisions, la préparation des laines, le tissage des habits, la nourriture et l’éducation des enfants. C’est la mère abeille, présidant à la confection des cellules, veillant à ce que la construction en soit régulière et prompte, prenant soin des essaims qui viennent d’éclore, ou, quand les petites abeilles sont une fois élevées et capables de travailler à leur tour, envoyant en colonie avec un chef toute cette jeune postérité. Mais ce qui n’est pas moins digne de remarque, c’est que l’auteur grec, en plaçant ainsi les époux sur un pied d’égalité parfaite devant le travail et les devoirs qui leur incombent à tous deux, ne se contente pas d’assigner à leur association un but d’utilité, une idée