Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/29

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d’intérêt. L’utilité, l’intérêt, ne sont-ils pas les ressorts les plus mobiles des relations humaines ? Le caprice, la passion un avantage plus direct ou plus puissant suffisent à les briser ou à les transposer. Xénophon va donc plus loin, il voit plus haut. « La loi, dit Ischomachus, ratifie l’intention qu’ont eue les dieux en unissant l’homme et la femme. Comme la nature d’aucun d’eux n’est parfaite en tout point, cela fait qu’ils ont besoin l’un de l’autre, et leur union est d’autant plus utile que ce qui manque à l’un, l’autre peut le suppléer. Mais si la divinité les associe en vue des enfants, la loi les associe en vue du ménage. C’est elle qui déclare honnête tout ce qui résulte des facultés accordées par le ciel à l’un et à l’autre ; et si l’un ou l’autre agit contrairement aux desseins de la divinité, ce désordre n’échappe point aux regards des dieux, qui punissent la négligence et l’infraction aux devoirs. »

La divinité, la loi, tels sont aux yeux de Xénophon les garants immuables de l’union conjugale, telles sont encore de nos jours les sauvegardes de notre mariage civil et religieux. Aussi, quelle heureuse perspective pour les époux qui, en rivalisant de zèle et de courage, observent fidèlement la loi et se conforment respectueusement à la volonté du ciel ! Quel espoir semble étendre son sourire sur toute leur existence ! Ils vieillissent, mais ni leur tendresse ni leur estime réciproque ne s’altèrent : l’homme même s’incline avec une sorte de vénération devant la mère de ses enfants, devant la maîtresse de maison, dont le soin et la vigilance ont conservé, accru sa richesse. « Le charme le plus doux, lui dit Ischomachus, ce sera lorsque, devenue meilleure que moi, tu m’auras rendu ton serviteur ; quand, loin de craindre que l’âge, en arrivant, ne te fasse perdre de ta considération dans ton ménage, tu auras l’assurance qu’en vieillissant tu deviens pour moi une compagne meilleure encore, pour tes enfants une meilleure ménagère et pour ta maison une maîtresse plus honorée. Car la beauté et la bonté ne dépendent point de la jeunesse : ce sont les vertus qui les font croître dans la vie aux yeux des hommes. »