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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/295

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qu’elles doivent faire ou non. Nous croyons encore que les dieux ont le pouvoir de nous faire du bien ou du mal ; c’est un fait également notoire. Tous, en effet, les prient de détourner d’eux les maux et de leur envoyer les biens. Eh bien ! ces dieux qui voient tout, qui peuvent tout, sont tellement mes amis, s’intéressent tellement à moi, qu’ils ne me perdent de vue, ni jour, ni nuit, ni quand je voyage, ni quand j’entreprends quelque chose. Et comme ils savent d’avance l’issue de chaque événement, ils m’avertissent en m’envoyant pour messagers des voix, des songes, des augures, sur ce que je dois faire ou non ; et moi je leur obéis, et je ne m’en suis jamais repenti, tandis que ma désobéissance a parfois été punie. » Alors Socrate : « Il n’y a rien d’incroyable à cela ; mais j’apprendrais avec plaisir par quels hommages tu en fais tes amis. — Par Jupiter, reprit Hermogène, il m’en coûte peu. Je les loue sans aucuns frais ; je leur offre leurs propres dons ; j’en parle aussi bien que possible ; et, si je les prends à témoin, jamais je ne mens volontairement. — Sur ma foi, dit Socrate, si, en agissant ainsi, tu as les dieux pour amis, les dieux évidemment aiment la probité. »

Ainsi la conversation avait pris une tournure grave. Mais quand on en vint à Philippe, on lui demanda ce qu’il voyait dans sa bouffonnerie de propre à le rendre fier. « N’est-ce pas tout naturel, dit-il, quand je vois tout le monde, sachant que je suis bouffon, s’empresser, dès qu’il leur arrive une bonne fortune de m’inviter à en prendre ma part, puis, s’il leur arrive quelque malheur, fuir sans se retourner, de peur de rire malgré eux ? — Par Jupiter, dit Nicératus, tu as bien sujet d’en être fier. Pour moi, quand mes amis sont dans la prospérité, ils me tournent les talons ; dès qu’ils sont dans le malheur, ils me prouvent leur parenté par généalogie et ne me quittent pas d’un instant. — Soit ; et toi, Syracusain, dit Charmide, de quoi es-tu fier ? Sans doute d’avoir ce garçon ? — Par Jupiter, il s’en faut bien ; j’ai à son sujet des craintes sérieuses : je vois certaines gens qui complotent de le perdre. — Par Hercule, dit Socrate, en entendant ces mots, quel tort croient-ils donc que leur a fait ton garçon pour vouloir le tuer ? — Mais ils ne veulent pas le tuer, ils veulent lui persuader de coucher avec eux. — Et toi, à t’entendre, si cela arrivait, tu le croirais donc perdu ? — Oui, par Jupiter, et perdu sans ressource. — Mais, toi, ne couches-tu pas avec lui ? — Oui, toutes les nuits, les nuits entières. — Par Junon, dit Socrate, le grand bonheur