Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/33

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point définitive, et que la priorité de l’un ou de l’autre écrivain n’est pas suffisamment établie, mieux vaut, selon nous, prendre l’œuvre telle qu’elle est, et la juger sans comparaison.

Voyons d’abord quel est le cadre de ce tableau, dessiné par un témoin qui semble encore sous le charme de ce qu’il vient de voir et d’entendre. C’est la salle à manger de Callias, fils d’Hipponicus, un des plus riches citoyens d’Athènes. Quant aux personnages qui figurent en scène, c’est, avant tous les autres, le jeune Autolycus, fils de Lycon, qui vient de remporter le prix du pancrace et dont Callias est vivement épris ; puis Socrate, Critobule, Hermogène, Nicératus, Charmide et le célèbre Antisthène, le fondateur de la secte cynique. L’occasion du banquet est toute naturelle : Callias a conduit Autolycus au spectacle d’une course de chevaux, et il donne ensuite un grand repas pour fêter son ami et pour régaler ses intimes. Le commencement du festin est froid, guindé. Autolycus est si beau, que la contemplation de ses traits semble absorber toutes les facultés des convives, et qu’ils sont comme muets de ravissement. L’arrivée du bouffon Philippe fait une sorte de diversion joyeuse à ce début glacial. Ses plaisanteries, d’abord impuissantes, finissent par dérider les visages. On retire les tables, on fait les libations, on chante le péan, et l’entrée d’un Syracusain, suivi d’une excellente joueuse de flûte, d’une danseuse merveilleuse pour ces tours, d’un garçon fort joli, jouant de la cithare et dansant à ravir, enlève décidément les esprits et les tourne à la joie. Socrate, le verre en main, est le premier à provoquer ses amis : « Buvons, dit-il, c’est mon sentiment. Le vin, en arrosant nos esprits, endort les chagrins, comme la mandragore assoupit les hommes ; quant à la joie, il l’éveille comme l’huile la flamme. Selon moi, le corps de l’homme éprouve ce qui arrive aux végétaux dans la terre. Si la divinité arrose trop les semences, elles ne peuvent lever ni se prêter au souffle de la brise ; si elles ont juste de quoi boire, elles lèvent, se développent, fleurissent et arrivent à point. De même, si nous buvons trop