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pas leurs actions, les hommes s’en permettent ouvertement de mauvaises et de honteuses, parce qu’ils ne la voient pas. Et cependant elle est partout, puisqu’elle est immortelle, récompensant les bons, flétrissant les méchants. Ah ! s’ils savaient qu’elle les regarde, ils iraient au-devant de ces travaux et de cette instruction dont elle est le prix, et cette noble proie tomberait en leur pouvoir.


CHAPITRE XIII.


Suite du précédent. Vanité des sophistes. Conclusion.


J’admire, en vérité, ces gens que l’on appelle sophistes, qui prétendent pour la plupart conduire les jeunes gens à la vertu, tandis qu’ils les mènent en sens contraire. En effet, nous n’avons encore vu personne dont les sophistes de nos jours aient fait un homme de bien ; ils ne produisent aucun ouvrage dont la lecture rende nécessairement bon, tandis qu’ils publient nombre d’écrits frivoles qui donnent à la jeunesse de stériles plaisirs, sans un seul trait de vertu. Ils perdent en outre le temps de ceux qui espéraient en tirer quelque renseignement, détournent des études solides et n’enseignent que le mal. Je leur reproche donc gravement des torts aussi graves ; et de plus de ce que, dans leurs écrits, ils sont à la recherche des mots, tandis que les pensées justes, qui pourraient former les jeunes gens à la vertu, brillent par leur absence. Je ne suis qu’un ignorant ; mais je sais que la plus essentielle des leçons nous est donnée par la nature elle-même, qui est d’être homme de bien ; en second lieu, c’est de consulter ceux qui savent quelque chose de réellement bon, et non pas ceux qui ne connaissent que l’art de tromper. Peut-être mon style est-il dépourvu de l’élégance sophistique ; je ne la cherche point : mais ce qui peut servir à ceux qu’une bonne éducation conduit à la vertu, après y avoir bien réfléchi, j’essaye de le dire. Or, ce ne sont pas les mots qui instruisent, mais les pensées, si elles sont justes.

Beaucoup d’autres avec moi reprochent, je ne dis pas aux philosophes, mais aux sophistes du jour, de sophistiquer sur les mots, sans se préoccuper des idées. Je n’ignore pas que c’est une belle chose que d’écrire avec méthode ; aussi leur sera-t-il