Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/440

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et au peuple qu’ils avaient chargé Théramène et Thrasybule de recueillir les naufragés avec quarante-sept trirèmes, et que ceux-ci ne les avaient point recueillis. Maintenant ils portent tous en commun le poids de la faute qui a été particulièrement commise, et en retour de leur philanthropie passée, ils courent aujourd’hui le risque de succomber à une intrigue ourdie par les coupables et par leurs ennemis. Mais il n’en sera point ainsi, si je puis vous convaincre d’agir suivant la justice et la religion, et si vous cherchez à savoir la vérité afin de n’avoir pas plus tard à vous repentir et à reconnaître que vous avez commis une grande faute contre les dieux et contre vous-mêmes. Je vous donne un conseil avec lequel vous ne sauriez être trompés ni par moi, ni par personne. Sachez trouver les coupables, infligez-leur le châtiment que vous voudrez, soit à tous, soit à chacun séparément ; mais accordez-leur, si ce n’est plus, du moins un jour pour leur défense, et ne vous fiez pas à d’autres plus qu’à vous-mêmes.

« Vous le savez tous, Athéniens, le décret de Canonus[1] est très-sévère : il porte que celui qui a lésé le peuple athénien, devra se défendre chargé de fers en présence du peuple, et que, s’il est déclaré coupable, il sera puni de mort et jeté dans le barathrum, ses biens confisqués et le dixième consacré à la déesse. Je demande que les stratéges soient jugés d’après ce décret, et par Jupiter, mon parent Périclès, tout le premier ; car il serait honteux pour moi de m’intéresser plus à lui qu’à l’État. Mais si cette proposition ne vous agrée point, jugez-les d’après la loi sur les sacriléges et sur les traîtres, laquelle porte que celui qui trahira l’État ou qui dérobera des objets sacrés sera jugé par un tribunal, et que, s’il est condamné, il sera inhumé hors de l’Attique et ses biens confisqués. Quelle que soit donc la loi que vous préférez, Athéniens, jugez ces hommes séparément, et divisez la journée en trois parties : dans la première vous vous rassemblerez et vous déclarerez s’ils vous paraissent coupables ou non ; la seconde sera consacrée à l’accusation ; la troisième à la défense. Grâce à ces mesures, les coupables seront frappés du plus grand châtiment ; mais ceux qui ne sont pas coupables seront libérés par vous, Athéniens, et ne périront pas innocents[2].

  1. Canonus avait fait décider que, toutes les fois que plusieurs personnes seraient accusées du même crime, on instruirait à part la cause de chacune d’elles. — Cf. Aristophane, traduction de M. Artaud, p. 504 de la Ire édition.
  2. Si l’on eût adopté ces propositions habilement présentées par Euryptolème, les accusés auraient été sauvés. Il était impossible de prouver contre eux aucune charge individuelle.