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LIVRE II.




CHAPITRE PREMIER.


L’armée lacédémonienne est près de se révolter au sujet de la solde. — Retour de Lysandre à la flotte. — Il reçoit de l’argent de Cyrus, et prend Lampsaque, qu’il met au pillage. — Bataille d’Ægos-Potamos.


(Avant J. C. 406, 405.)


Les soldats d’Étéonicus, qui étaient à Chios, se nourrirent tout l’été des fruits de la saison et du produit des travaux de la campagne. Mais lorsque vint l’hiver, comme ils n’avaient plus de vivres, qu’ils étaient sans vêtements et sans chaussures, ils se concertèrent, et résolurent de s’emparer par surprise de la ville de Chios. Il est convenu que tous ceux qui s’associent au projet porteront une canne, afin de s’assurer les uns les autres de leur nombre. Étéonicus, instruit du complot, ne sait quel parti prendre dans la conjoncture, vu le grand nombre des porte-cannes. En les attaquant ouvertement, il paraissait à craindre qu’ils ne courussent aux armes, et qu’une fois maîtres de la ville et devenus ennemis, ils ne perdissent toutes les affaires s’ils avaient le dessus ; mais, d’autre part, mettre à mort un si grand nombre d’alliés, c’était évidemment courir le risque de s’attirer l’inimitié des autres Grecs et de s’aliéner l’esprit des soldats. Étéonicus prend avec lui quinze hommes armés de poignards, et se met à parcourir la ville. Il rencontre un homme qui, atteint d’ophthalmie, sortait avec une canne de chez un médecin : il le tue. Là-dessus grand tumulte : on demande pourquoi cet homme a été mis à mort. Étéonicus fait publier que c’est parce qu’il portait une canne. À peine cette publication est-elle faite, que tous ceux qui ont des cannes les jettent, et tous ceux qui l’ont entendue craignent d’être