Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/477

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Pendant que les députés de Lacédémone et Dercyllidas demeuraient ensemble, quelqu’un de la suite d’Aracus raconta qu’ils avaient laissé à Lacédémone des députés de la Chersonèse. Il ajoutait que ceux-ci venaient se plaindre que l’on ne pût plus maintenant cultiver la Chersonèse, à cause des ravages incessants des Thraces ; mais que, si l’on élevait un mur d’une mer à l’autre, les habitants y gagneraient la jouissance d’une grande étendue de terre fort bonne, que pourraient cultiver tous les Lacédémoniens qui le voudraient. Ils disaient encore qu’ils ne seraient point étonnés que Lacédémone envoyât un de ses citoyens, avec les forces nécessaires, pour exécuter ce projet. Dercyllidas ne dit rien du plan qui lui vient à la pensée en entendant ce récit, mais il les envoie d’Éphèse parcourir les différentes villes grecques, charmé de les savoir témoins de leur calme et de leur prospérité. Ils se mettent en voyage. Dercyllidas, sachant qu’il va rester, envoie de nouveau demander à Pharnabaze s’il veut prolonger la trêve de l’hiver, ou s’il préfère la guerre. Cette fois encore il préfère la trêve, et Dercyllidas, ayant ainsi assuré la paix aux villes alliées environnantes, traverse l’Hellespont avec son armée et passe en Europe ; il marche à travers la partie de la Thrace qui lui est dévouée, reçoit l’hospitalité du roi Seuthès, et arrive dans la Chersonèse. Il reconnaît qu’elle renferme onze ou douze villes, qu’elle possède un sol excellent, favorable à toute espèce de culture, mais qu’elle est, comme on l’a dit, ravagée par les Thraces. Il mesure l’isthme, et, après lui avoir reconnu une largeur de trente-sept stades, il n’hésite plus, offre des sacrifices aux dieux, fait commencer le mur dont il a eu soin de partager entre ses soldats l’espace à bâtir, promet des récompenses à ceux qui auront les premiers achevé leur ouvrage, et à chacun suivant qu’il s’en sera rendu digne, et achève ainsi, avant l’automne, la muraille commencée au printemps, et derrière laquelle il met en sûreté onze villes, nombre de ports, une grande étendue d’excellente terre labourable, de champs en pleine culture, et quantité de magnifiques pâturages, propres à toute sorte de bétail. Cela fait, il repasse en Asie.

En examinant l’état des différentes villes, il s’aperçoit qu’en général elles étaient prospères, à l’exception d’Atarné, qu’il trouve occupée par des exilés de Chio : ces gens, partant de cette place forte, pillaient et ravageaient l’Ionie et vivaient de rapines. Dercyllidas, bien qu’informé qu’ils étaient abondamment pourvus de vivres, assied son campement autour des