Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/613

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des pensées orgueilleuses : il leur dit qu’eux seuls peuvent regarder le Péloponése comme leur patrie, puisque eux seuls y sont autochtones ; il leur répète que la nation arcadienne est la plus nombreuse de la Grèce, et l’emporte surtout par la complexion robuste de ses habitants ; il leur montre qu’ils sont les plus vaillants, et leur en donne pour preuve que, quand on a besoin d’auxiliaires, on préfère les Arcadiens à tous les autres peuples, ajoutant que, sans eux, les Lacédémoniens n’auraient jamais pu attaquer le territoire d’Athènes, ni les Thébains arriver maintenant jusqu’à Lacédémone. « Si donc, dit-il, vous avez du bon sens, vous vous épargnerez la peine de venir où l’on vous appelle. De même qu’auparavant vous avez accru le pouvoir des Lacédémoniens en marchant à leur suite, ainsi maintenant, si vous suivez aveuglément les Thébains sans réclamer votre part du commandement, peut-être trouverez-vous bientôt en eux d’autres Lacédémoniens. »

Les Arcadiens étaient enflés d’orgueil par ces discours, et ils chérissaient Lycomède, qu’ils regardaient comme le seul digne du nom d’homme. Ils choisissent donc tous les chefs qu’il leur indique. Les événements contribuent encore à augmenter la haute opinion qu’ils ont d’eux-mêmes. Les Argiens, en effet, ayant fait une invasion sur le territoire d’Épidaure, ont leur retraite coupée par les mercenaires de Chabrias, les Athéniens et les Corinthiens. Alors les Arcadiens les secourent et délivrent ces Argiens assiégés de toutes parts, bien qu’ils aient à lutter contre les hommes et les localités. Dans une autre expédition faite contre Asiné[1], en Laconie, ils défont la garnison lacédémonienne, tuent le polémarque spartiate Géranor et pillent le faubourg d’Asiné. Quand ils veulent aller quelque part, ni la nuit, ni le mauvais temps, ni la longueur de la route, ni les montagnes impraticables ne les arrêtent ; de sorte qu’au moins à cette époque, ils se croient de beaucoup les plus puissants. Aussi les Thébains se défiaient-ils des Arcadiens et n’étaient plus bien disposés en leur faveur. Quant aux Éléens, ils redemandent aux Arcadiens les villes dont ils ont été dépouillés par les Lacédémoniens ; mais voyant le peu de cas qu’on fait de leurs prières, et les égards qu’on a pour les Triphyliens et les autres États séparés d’eux, et soi-disant Arcadiens, les Éléens commencent aussi à être mal disposés envers les Arcadiens.

  1. Cette ville était située dans un territoire très-sauvage.