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livre i

le serment exigé des sénateurs, de juger conformément aux lois. Or, devenu épistate de l’assemblée populaire, et le peuple voulant, contrairement aux lois, condamner à mort collectivement par un seul vote neuf généraux, parmi lesquels Thrasylle et Érasinide, il refusa de faire voter, malgré la colère du peuple et les menaces d’un grand nombre de citoyens puissants ; mais il aima mieux demeurer fidèle à son serment que de complaire à la multitude en dépit de la justice et de se garantir des menaces. C’est qu’il pensait que les dieux ont l’œil sur les actions humaines, mais non pas comme le croient la plupart des hommes. Le vulgaire s’imagine que les dieux savent certaines choses et n’en savent pas certaines autres ; Socrate croyait que les dieux connaissent tout, paroles, actions, pensées secrètes, qu’ils sont présents partout, et qu’ils révèlent aux hommes tout ce qui est du ressort de l’humanité.

Je m’étonne donc que les Athéniens aient pu croire que Socrate avait sur les dieux des opinions extravagantes, lui qui n’a jamais rien dit, jamais rien fait d’impie, lui dont les paroles et les actions ont toujours été telles, qu’elles feraient considérer celui qui parlerait et agirait de la même manière comme le plus pieux des hommes.

CHAPITRE II.

Fausseté du second chef d’accusation : Socrate n’a point corrompu la jeunesse. Loin de mériter la mort, il a droit à des récompenses publiques.

Ce qui m’étonne encore, c’est que quelques esprits aient pu se laisser persuader que Socrate corrompait les jeunes gens, lui qui, outre ce que nous avons dit, était d’abord le plus sobre

    ordre fixé par le sort, avait chaque année pendant 35 ou 36 jours la prytanie on préséance. Les 50 sénateurs de la tribu qui avait actuellement la prytanie se nommaient prytanes. Chacun d’eux, suivant un ordre fixé par le sort, devenait épistate, et comme tel présidait le sénat et l’assemblée du peuple. Socrate était épistate l’an 406 avant notre ère, et comme tel refusa de meure aux voix la condamnation à mort que le peuple voulait obtenir contre Thrasylle, Érasinide et les autres généraux vainqueurs dans le combat naval des îles Arginuses, pour n’avoir pas enseveli les morts malgré la tempête. » H. Martin. Cf. Xénophon, Helléniq., I, viii, pour les détails.