Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/211

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Quand Astyage a fini de parler, Mandane demande à Cyrus s’il veut rester ou partir. Celui-ci n’hésite point, il dit tout de suite qu’il veut rester. Sa mère lui ayant encore demandé pourquoi : « Parce que, dit-il, chez nous, ma mère, je suis et je parais le plus habile de ceux de mon âge à tirer l’arc et à lancer le javelot ; mais ici je vois bien que je suis le plus faible de ceux de mon âge pour monter à cheval ; et, sache-le bien, mère, cela me chagrine beaucoup. Si tu me laisses ici, et que j’apprenne à monter à cheval, quand je serai chez les Perses, je pense que je vaincrai même les plus forts dans les exercices à pied, et que, quand je viendrai ici chez les Mèdes, j’essayerai, étant le meilleur des bons cavaliers, de venir en aide à mon grand-père. » Sa mère lui dit : « Et la justice, garçon, comment l’apprendras-tu ici, puisque tes maîtres sont là-bas ? » Cyrus répond : « Mais, ma mère, je sais déjà parfaitement la justice. — Comment sais-tu cela, dit Mandane ? — Parce que le maître, voyant que je connaissais bien la justice, m’avait donné mission de juger les autres. Et même un jour je reçus des coups pour n’avoir pas bien jugé. Voici quelle était l’affaire. Un enfant grand, qui avait une petite robe, déshabille un enfant petit qui avait une robe grande, lui met la sienne et se revêt de l’autre. Chargé de les juger, je décide qu’il vaut mieux que chacun d’eux ait la robe qui lui va. Alors le maître me frappe en disant que, quand je serais nommé juge de ce qui convient ou non, il faudrait juger comme j’avais fait, mais que, puisqu’il fallait décider auquel des deux était la robe, je devais considérer si celui qui l’avait prise de force devait plutôt l’avoir que celui qui l’avait faite ou achetée. Il ajoutait que ce qui est conforme aux lois est juste, tandis que ce qui est contraire aux lois est tyrannique, et il voulait que le juge donnât toujours un suffrage conforme à la loi. Ainsi, ma mère, je sais parfaitement à présent ce qui est juste ; et, s’il me manque encore quelque chose, mon grand-père me l’apprendra. — Oui, mon garçon ; mais ce qui paraît juste à ton grand-père n’est pas reconnu pour tel chez les Perses. Ainsi, il s’est rendu maître absolu chez les Mèdes, et chez les Perses l’égalité c’est la justice. Ton père, tout le premier, ne fait que ce que l’État lui prescrit, ne reçoit que ce que l’État lui donne : la mesure pour lui n’est point son caprice, mais la loi. Afin donc de ne pas périr sous le fouet, quand tu serais chez nous, si tu venais après avoir appris de ton grand-père à être tyran au lieu de roi, évité ce qui consiste à se figurer qu’il faut avoir plus que les autres. — Mais, ma mère, répond