Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/327

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les chefs des alliés, qui pour la plupart se montraient de beaux et bons soldats, et il leur parle ainsi :

« Alliés, Gadatas a exécuté une entreprise importante aux yeux de nous tous, et sans que nous eussions encore rien fait pour lui. On apprend aujourd’hui que l’Assyrien envahit ses bords, pour se venger de l’immense dommage qu’il croit en avoir reçu. Peut-être a-l>il en même temps la pensée que, si ceux qui l’abandonnent pour se joindre à nous n’éprouvent de sa part aucun dommage, tandis que nous mettons à mal ceux qui lui restent fidèles, bientôt, comme de raison, personne ne voudra demeurer avec lui. Aujourd’hui, guerriers, je crois que nous ferons un acte honorable, si nous nous occupons de secourir Gadatas, un homme qui nous a rendu service, et en même temps un acte de justice, en le payant de retour. D’ailleurs il est de notre intérêt, à nous tous, d’agir ainsi. Quand tout le monde nous verra nous efforcer de surpasser en mauvais traitements ceux qui nous maltraitent, et en services ceux qui nous servent, naturellement bien des gens voudront nous avoir pour amis, et personne ne désirera devenir notre ennemi. Si nous avons l’air de négliger Gadatas, au nom des dieux, par quels discours pourrons-nous persuader à d’autres de nous être agréables ? Comment oserons-nous nous vanter ? Qui de nous osera regarder en face Gadatas, après que tant d’hommes réunis se seront laissé vaincre en générosité par un seul homme, et un homme aussi malheureux ? » Ainsi parle Cyrus. Tous d’une commune voix insistant pour qu’on agisse comme il l’a dit : « Eh bien donc, continue-t-il, puisque vous êtes de mon avis, laissez pour escorter les bêtes de somme et les chariots celles de nos troupes les mieux appropriées à ce service. Gobryas les commandera et leur servira de guide : outre qu’il connaît les chemins, il est fait pour cette mission. Nous autres, nous partirons avec nos chevaux et nos hommes les plus vigoureux, en prenant des vivres pour trois jours. Plus notre équipage sera simple et léger, plus nous aurons de plaisir, les jours suivants, à dîner, à souper et à dormir. Tel sera l’ordre de notre marche. Toi d’abord, Chrysantas, tu conduis l’avant-garde composée de thoracophores[1] ; le chemin étant plat et uni, tu places de front tous les taxiarques : chaque bataillon marche sur une seule file : en nous serrant, nous marcherons avec d’autant plus de vitesse et de sûreté. Je veux que les thoracophores marchent les premiers,

  1. Soldats armés de cuirasses.