Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/369

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d’or éployée au bout d’une longue pique ; et c’est encore aujourd’hui l’étendard du roi de Perse.

Avant d’apercevoir l’ennemi, Cyrus fait faire halte trois jours à son armée. Enfin, après une marche de vingt stades, on commence à découvrir l’armée ennemie venant à la rencontre de celle de Cyrus. Lorsqu’on est en présence, Crésus, ayant remarqué que son front déborde considérablement de droite et de gauche celui de Cyrus, fait faire halte à sa phalange, ce qui était nécessaire pour se former en demi-cercle, et ordonne que les deux extrémités se courbent en forme de gamma, pour assaillir de toutes parts à la fois. Cyrus, apercevant ce mouvement, ne s’arrête point, et ne change rien à l’ordre de sa marche ; mais observant que dans la courbe qu’ils décrivent, les ennemis s’étendent beaucoup sur les ailes : « Vois-tu, Chrysantas, dit-il, quelle courbe ils décrivent ? — Je vois bien, répond Chrysantas, et j’en suis étonné : il me semble que ces ailes s’éloignent beaucoup de leur phalange. — Oui, par Jupiter, dit Cyrus, mais beaucoup aussi de la nôtre. — Et pourquoi ? — Il est évident qu’ils ont peur que, les ailes s’approchant de nous quand la phalange est encore loin, nous ne fondions sur eux. — Mais, dit Chrysantas, comment ces différents corps, séparés les uns des autres par un si grand intervalle, pourront-ils se secourir mutuellement ? — Il est clair dit Cyrus, que, quand les ailes auront pris assez de terrain, elles tourneront sur nos flancs, et, marchant à nous en bataille, nous attaqueront de tous côtés à la fois. — Crois-tu, dit Chrysantas, qu’ils aient là un bon plan ? — Oui, d’après ce qu’ils voient ; mais, étant donné ce qu’ils ne voient pas, leur plan est plus mauvais que s’ils nous attaquaient de front. En attendant, toi, Arsamas, conduis l’infanterie au petit pas comme tu me vois marcher, et toi, Chrysantas, suis avec la cavalerie du même pas qu’Arsamas. Pour moi, je vais me porter à l’endroit d’où je crois bon de faire la première attaque. En passant, je verrai si tout va bien. Une fois là, lors que nous serons prêts d’en venir aux mains, j’entonnerai le péan, et vous vous hâterez aussitôt que l’attaque commencera. Or, vous le jugerez facilement, je crois, au bruit qui se fera entendre. Abradatas s’élancera avec les chars contre l’ennemi ; l’ordre va lui en être donné. Vous devrez suivre du plus près possible ceux qui sont sur les chars : ce sera le moyen de tomber sur les ennemis en proie au plus grand désordre. Pour moi, je vous rejoindrai le plus tôt possible, afin de poursuivre les fuyards, si les dieux le veulent. »