Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/445

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lieu sûr[1]. Quant à ceux que la vieillesse faisait garder comme prisonniers, il donnait ordre qu’on eût soin d’eux, et qu’on les mît à l’abri des chiens et des loups. Ceux donc qui appréciaient ces traits d’humanité, et les prisonniers mêmes, s’affectionnaient à lui. Toutes les villes qu’il avait conquises, il les dispensait des devoirs des esclaves envers les maîtres ; il n’exigeait que l’hommage de l’homme libre envers le magistrat ; en sorte que les places imprenables par la force de leurs murailles, on les soumettait par la douceur.

Comme dans les plaines de la Phrygie il ne pouvait tenir la campagne contre la cavalerie de Pharnabaze, il résolut de se procurer cette espèce de troupes, afin de n’être pas obligé de faire la guerre en fuyant. Il charge donc les plus riches de toutes les villes du pays de nourrir des chevaux, et il déclare que quiconque fournira un cheval, un équipement et un bon soldat, sera exempt de service. Aussitôt tous s’empressent de répondre à ses désirs avec la même ardeur que s’ils eussent cherché quelqu’un pour mourir à leur place. Il désigne les villes d’où l’on tirerait les cavaliers, convaincu que les cités qui élèveraient des chevaux en auraient bientôt la passion et donneraient une bonne cavalerie. Or, c’est un trait digne d’admiration d’avoir su se créer sur-le-champ une cavalerie forte et en mesure d’agir.

Le printemps venu, il rassemble toute son armée à Éphèse[2] ; et, dans le dessein de l’exercer, il propose des prix aux troupes de cavalerie qui manœuvreront le mieux, aux hoplites qui auront le corps le plus robuste, aux peltastes et aux archers qui montreront le plus d’adresse. Il fallait voir les gymnases remplis d’hommes qui s’exerçaient ; l’hippodrome couvert de cavaliers occupés d’évolutions, tandis que les archers et les gens de trait tiraient à la cible. La ville tout entière, où il se trouvait, présentait un spectacle intéressant. L’agora était pleine d’armes de toute espèce et de chevaux à vendre ; ouvriers en airain, en bois, en fer, en cuir, en peinture, tous travaillaient à la fabrication des armes : on eût pris Éphèse pour un atelier de guerre. Rien surtout n’inspirait plus de confiance que de voir Agésilas lui-même et ses soldats couronnés de fleurs, aller, à leur sortie des gymnases, consacrer leurs couronnes à Diane. Car, où l’on voit les hommes respecter les dieux, s’exercer à la guerre et

  1. Variété de leçons et passage controversé.
  2. Cf. Hist. Gr. III, IV. Plutarque, Agésil., IX.