Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/446

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ne songer qu’à obéir aux chefs, comment ne pas trouver là matière à boa espoir ? Persuadé de plus que le mépris de l’ennemi donne du cœur à combattre, il ordonne aux crieurs de vendre nus les Barbares pris par les maraudeurs. Les soldats, en voyant ces corps blancs parce qu’ils ne se déshabillaient jamais, mous et chargés d’obésité parce qu’ils étaient toujours sur des chars, comprenaient bien que pour eux ce ne serait qu’un combat contre des femmes.

Il déclare encore à ses soldats qu’il va les mener par le plus court dans la partie la plus fortifiée du pays, afin qu’ils s’y préparent l’esprit et le corps pour combattre avant peu. Cependant Tissapherne croit à une seconde ruse d’Agésilas, et que son dessein est réellement de fondre sur la Carie. Il fait donc passer son infanterie en Carie, comme la première fois, et place de même sa cavalerie dans la plaine du Méandre. Agésilas, qui n’avait point menti, se dirige immédiatement, suivant sa parole, vers la province de Sardes[1], marche trois jours à travers le désert, sans rencontrer l’ennemi, et procure à son armée des vivres en abondance. À la quatrième journée, paraissent les cavaliers ennemis. Le commandant[2] donne ordre au chef des skeuophores de passer le Pactole et d’asseoir un camp ; et là, ceux-ci, voyant quelques valets des Grecs s’écarter pour piller, en tuent un grand nombre. Mais Agésilas, qui s’en aperçoit, envoie sa cavalerie pour les secourir. De leur côté, les Perses, voyant arriver ce renfort, rassemblent la leur et la font avancer en ordre de bataille. Alors Agésilas, remarquant que les ennemis n’ont pas d’infanterie, tandis qu’il ne lui manquait à lui pas une de ses forces, juge que c’est le moment d’engager l’action s’il peut. Les victimes immolées, il fait avancer sa phalange contre la cavalerie ennemie ; il ordonne aux hoplites, qui ont dix ans de service, d’arriver au pas de course, et aux peltastes de précéder en courant : il recommande aux cavaliers de charger, tandis qu’il suivrait en personne avec le reste de l’armée.

La cavalerie est reçue par les meilleurs soldats des Perses ; mais bientôt tout le danger venant à peser sur eux, ils fuient, et les uns tombent à l’instant dans le fleuve, les autres sont mis en déroute. Les Grecs les poursuivent et s’emparent de leur camp : les peltastes, selon leur habitude, se mettent à piller. Agésilas enveloppe tout de son armée, ne fait qu’un camp de celui

  1. Dans les plaines de l’Hermus, fleuve qui descend dans la mer Égée, et reçoit le Pactole.
  2. Tissapherne.