Page:Xavier de Montepin - La Porteuse de pain, 1903 1905.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
LA PORTEUSE DE PAIN

S’approchant alors d’un autre établi, il dit à l’ouvrier qui y travaillait :

— François, cessez ce que vous faites et achevez vivement ce collier… — Entendez-vous avec Brémont… — C’est pressé… — Il faut que ce soit fini dans une heure…

— Bien, monsieur Jacques, on fera le possible.

François prit le morceau d’acier et alla s’entendre avec l’ajusteur principal.

Le contremaître sortit de l’atelier et se dirigea vers la loge de Jeanne.

La jeune femme, à travers le vitrage de la fenêtre, le vit traverser la cour et venir de son côté.

— Il se sera aperçu de la disparition de Vincent, — pensa-t-elle, — il va m’adresser des reproches, bien sûr…

Et Jeanne, un peu inquiète, éprouva quelque regret de s’être laissée apitoyer par le n1écanicien.

Jacques ouvrit la loge et franchit le seuil.

— M’ame Fortier, — dit-il d’une voix rude, — vous avez ouvert la porte à un homme de l’usine ?…

— Moi… n1onsieur Jacques… — balbutia la veuve.

— Oui, vous… — Vincent est sorti, n’est-ce pas ?

— Mais…

— Oh ! inutile de nier… — interrompit le contremaître. — Vincent m’a demandé l’autorisation d’aller jusque chez lui… Je la lui ai refusée, comme c’était mon devoir… — Il est venu vous trouver, et vous avez été plus faible que moi…

— Eh bien, oui, c’est vrai… — dit Jeanne en prenant son parti. — Le pauvre homme pleurait en parlant de sa femme malade… — Il m’a priée… il m’a suppliée… — J’ai cédé…

— Vous saviez bien, pourtant, qu’en agissant ainsi vous étiez coupable.

— Oui, je le savais… l’émotion a été plus forte que le raisonnement… — D’ailleurs Vincent m’a promis de revenir tout de suite.

— Savez-vous quelle sera pour lui la conséquence de votre faiblesse…

— Non, monsieur Jacques…

— Je vais donc vous l’apprendre ! — À partir de ce moment, il ne fait plus partie du personnel de l’usine, et quand il se présentera je vous défends de lui ouvrir.

— Une telle rigueur… — commença Jeanne.

— Est nécessaire ! l’interrompit le contremaître. — Vincent a interrompu un travail qu’il fallait achever dans le plus bref délai… Je suis responsable… — Je dois rendre compte au patron de ce qui se passe dans les ateliers — Je l’avertirai…