Page:Yonge - L'héritier de Redclyffe, Vol 1, 1855.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 12 —

le voir. Il va sans dire qu’il y alla tout de suite, et il m’a dit que jamais, dans toute sa carrière de ministre de l’Évangile, il n’avait vu un homme aussi complétement brisé par la douleur.

— J’ai trouvé un grand nombre de ses lettres parmi les papiers de mon père, dit Philippe. Ces Redclyffe ont certainement des passions ardentes.

— Est-ce alors qu’il fit mon oncle héritier ? demanda Charles.

— Oui ; mon frère ne le voulait pas, mais M. Morville n’eut de repos que quand ce fut décidé. En vain on lui rappela son petit-fils, il ne voulait pas croire qu’il pût vivre ; et, en effet, sa vie ne semblait tenir qu’à un fil. Je me souviens que mon frère me dit avoir été à Moorworth pour le voir, car on ne pouvait songer à l’apporter au château, dans l’espérance de donner au grand-père des nouvelles réjouissantes. Mais il le trouva si faible et si délicat qu’il n’osa pas essayer d’inspirer au vieillard de l’intérêt pour lui. Ce ne fut que lorsque l’enfant eut atteint l’âge de deux ou trois ans, que M. Morville s’aventura à l’aimer.

M. Morville était un personnage fort remarquable, dit Philippe. Je n’oublierai pas facilement ma visite à Redclyffe, il y a quatre ans. Il me semble que c’était une scène de roman, plutôt que quelque chose de réel. — Un vieux château, dont les murs d’une couleur rougeâtre étaient vermoulus dans les parties les plus exposées ; une entrée voûtée, tapissée de lierre, une grande cour carrée aux échos sonores,