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mettre dans l’état où j’étais hier au soir et dont je suis honteux. Je sais que j’ai eu grand tort, et que je ne me suis pas conduit de manière à vous prévenir en ma faveur. Mais il y a longtemps… je ne sais pas combien de temps… que j’éprouve pour vous des sentiments que je ne puis combattre et que personne d’autre ne m’inspire ni ne m’inspirera jamais…

Les joues d’Amy s’enflammèrent, et personne ne pourrait exprimer ce qu’elle éprouva, lorsqu’il s’arrêta et qu’il reprit avec vivacité :

— Si je peux goûter quelque bonheur sur la terre, ce ne peut être que par vous, Amy. Ce que je sens pour vous je ne peux l’exprimer ; mais je sais tout ce qui parle contre moi, mon caractère, celui de mes ancêtres !… Il me semble impossible, même en rêve, que je puisse prétendre à vous faire partager mon sort. Et cependant, Amy, si vous pouviez me diriger, priez pour moi !… Mais, reprit-il après une autre courte pause, je ne vous demande pas encore un engagement, pas même une réponse. Je parle seulement parce que je n’ai pas cru devoir rester ici en gardant le secret, ni surtout le cacher à vos parents.

À ce moment ils entendirent, de l’autre côté des buissons qui les cachaient, le bruit des roues du fauteuil de Charles, et la voix de Charlotte, qui lui causait pendant sa promenade du matin. Amy s’enfuit, comme un oiseau effrayé, et ne s’arrêta que lorsqu’elle arriva hors d’haleine dans le boudoir. Elle se jeta aux genoux de sa mère, et, d’une voix si émue qu’on avait de la peine à l’entendre :