Page:Yonge - L'héritier de Redclyffe, Vol 1, 1855.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 51 —

heur pour un jeune homme qui n’a pas de famille. Il tenait très bien sa place à Redclyffe. Cependant, c’est heureux pour lui qu’il ait quitté ce séjour, où chacun fait de lui son idole. On l’aurait bientôt gâté.

— Ce serait grand dommage qu’il tournât mal.

— Oui, car il a de grandes qualités ; et ce sont justement de ces qualités qu’on regarde trop facilement comme des compensations suffisantes à de graves défauts. On n’a jamais dit que personne dans sa famille, excepté peut-être ce malheureux vieux seigneur Hugh, ait manqué de franchise ou de générosité. C’est pourquoi ces vertus-ci ne suffisent pas à me rassurer. Remarquez cependant que je suis loin de le condamner, je suis juste ; seulement je ne me fie pas à ce caractère avant de l’avoir vu à l’épreuve.

Laura ne répondit rien ; elle était déconcertée. Cependant il y avait dans les paroles de Philippe tant de justesse et de réserve, qu’il était impossible de les contredire ; elle était d’ailleurs flattée qu’il voulût bien se confier en elle, lui si sensé et si prudent ! Mais quel malheur pourtant, si Walter justifiait ses doutes ! Ils marchèrent ainsi pendant quelque temps, plongés dans ce profond silence qui est le gage le plus certain d’une grande intimité. Laura fut la première à le rompre, parce qu’elle remarqua une expression de tristesse sur la figure de son cousin.

— À quoi pensez-vous, Philippe ?

— À Locksley-Hall. C’est une folie, j’en conviens, mais c’est la vérité.