Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/67

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une allée de parc. Et, certes, tout le chemin, à partir de la mer, est merveilleux : c’est une large chaussée aplanissant les montagnes au niveau des vallées : elle m’eût rempli d’admiration si je n’eusse rien su des abominables corvées, qui me font plaindre les malheureux cultivateurs auxquels un travail forcé a arraché cette magnificence. Des femmes que l’on voit dans le bois, arrachant à la main l’herbe pour nourrir leurs vaches, donnent au pays un air de pauvreté.

Longé près de Montreuil des tourbières semblables à celles de Newbury. La promenade autour des remparts de cette ville est très jolie ; les petits jardins des bastions sont curieux. Beaucoup d’Anglais habitent Montreuil ; pourquoi ? Il n’est pas aisé de le concevoir ; car on n’y trouve pas cette animation qui fait le charme du séjour dans les villes. Dans un court entretien avec une famille anglaise retournant chez elle, la dame, qui est jeune et, je crois, agréable, m’assura que je trouverais la cour de Versailles d’une splendeur surprenante. Oh ! qu’elle aimait la France ! Comme elle aurait regretté son voyage en Angleterre, si elle ne se fût pas attendue à en revenir bientôt ! Comme elle avait traversé tout le royaume, je lui demandai quelle en était la partie qui lui plaisait le mieux ; la réponse fut telle qu’on la devait attendre d’aussi jolies lèvres : « Oh ! Paris et Versailles ! » Son mari, qui n’est plus si jeune, me répondit : « La Touraine. » Il est très probable qu’un fermier approuvera plutôt les sentiments du mari que ceux de la femme, malgré tous ses attraits. — 24 milles.

Le 19. — J’ai dîné, ou plutôt je suis mort de faim, à Bernay, où, pour la première fois, j’ai rencontré ce vin dont j’avais entendu si souvent dire en Angleterre qu’il