Page:Yver - Mirabelle de Pampelune.djvu/51

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trente-sept ans que je suis au Meilleur Marché. J’y suis entré comme petit vendeur à la porte. J’y suis monté de rang en rang, j’y ai gagné les quatre sous que je possède. C’est la maison qui m’a fait ce que je suis. Quand j’en parle, je dis : « la maison », comme quand je parle de chez nous. Eh bien, monsieur, aujourd’hui que les deux tiers du personnel, appelés par la mobilisation, font défaut, et que « la maison » connaît des difficultés, j’estime que mon devoir est de rester à mon poste, comme un soldat, oui, monsieur, comme un soldat qui ne mange pas la consigne.

Le sang lui est monté au visage, couperosant ses joues rasées, gonflant les veines de son cou. D’un geste il fait sauter le bouton de son faux col, et alors, les carotides à l’aise, il continue :

— J’ai demandé à madame Bouchaud et à la petite de rester seules à Choisy. Car, monsieur, vous comprenez que pour le service régulier des trains de banlieue, il n’y faut pas compter désormais ; je ne puis donc plus aller coucher là-bas. Eh bien, monsieur, ces deux