Page:Yver - Un coin du voile.djvu/127

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étrangère qui l’ébranla, elle et toute sa souffrance, criant : « Fridja est morte, tu ne la reverras plus jamais, jamais !…

Alors elle retomba le front sur sa table, avec cette plainte :

— Oh ! Vergeas, venez, venez, je suis si seule et je vous aime !

Ce fut une extase. Elle avait pensé vivre à côté de l’amour, mais l’amour passant à côté d’elle l’avait prise par des liens si suaves, si forts, qu’elle allait à lui, irrésistiblement, sans regret, plus fière encore d’aimer qu’orgueilleuse d’avoir jusqu’ici maîtrisé son cœur. Elle aimait humblement, dévotement comme les femmes, involontairement comme les enfants, et totalement comme un être jeune qui s’éveille à la vie. Ce fut une ivresse imprévue. Elle ne savait pas ; elle ne soupçonnait pas ces sphères idéales où l’emportait l’amour. Elle restait immobile, figée dans son rêve ; n’osant pas plus bouger que si l’oiseau divin que son cœur avait capté, sur un geste avait pu s’envoler. Ses lèvres laissaient passer des mots, un souffle : « Vergeas… mon ami… »