Page:Yver - Un coin du voile.djvu/14

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Alors il franchissait le massif portail des morts.

Son itinéraire était toujours le même. Fuyant la grande avenue et son jardin anglais, il s’enfonçait dans cette ruelle étroite, oblique et sèche que dessine, dans la cité funèbre, le cimetière israélite. Très évocateur des époques, par l’instinct même de sa profession, il aimait l’aspect des épitaphes hébraïques, les noms bibliques, et jusqu’aux tumulus semés de petits cailloux que les amis du juif laissent tomber à chaque visite, sur la pierre.

Au bout de ce premier chemin, s’apercevait le grand dais gothique, avec ses colonnettes, ses clochetons, ses ogives, qui couvre les corps étendus d’Héloïse et d’Abélard. Le culte des bouquets flétris, entretenu par les amoureux d’aujourd’hui, autour de ces amants du Moyen âge que la légende magnifia, lui causait une mauvaise humeur. Et il cherchait vite la sente escarpée, qui menait sous les cyprès et les acacias, à son coin préféré.

Midi sonnait, en des Angélus lointains, dans la grande ville. Parfois, quand le ciel était très