Page:Yver - Un coin du voile.djvu/165

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pendant que de grosses larmes lui montaient aux yeux.

Elle parlait sans réponse. J’avais la gorge serrée, les yeux humides je ne pouvais desserrer les lèvres. Elle continua :

— Je l’ai prise pour moi toute seule ; mon pauvre beau-frère ne peut se résigner à voir l’enfant qui lui a coûté sa femme. Pour moi, tout au contraire, elle est l’héritage vivant, tout ce qui me reste de ma sœur. Je m’en occupe jour et nuit, comme elle aurait fait. Je n’aurais pas cru l’aimer tant : pauvre mignonne ! C’est elle qui me console, qui me distrait. C’est si triste, monsieur Pierre, quand on a du chagrin, de se sentir abandonnée par tous ceux sur lesquels on comptait le plus ! On ne m’aimait pas ici, voyez-vous. C’était ma sœur que l’on choyait, que l’on appelait, que l’on désirait. Ce n’était pas étonnant ; elle était si jolie et si bonne : une créature de grâce, de douceur, de perfection ! Moi, j’étais irréfléchie ; j’ai causé un peu à tort et à travers ; j’ai blessé certaines femmes, je me suis amusée à choquer les autres ; vous-même, monsieur Pierre, je