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Page:Yver - Un coin du voile.djvu/180

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ridicules ou ineptes, qu’on habille de peaux étranges, de vélins peints à l’escargot, de maroquineries à coins d’or, de façon qu’ils attirent même l’œil artiste par ce déploiement d’opulence extérieure, par leur reliure riche. Ils pullulent chez les libraires à côté du safran dédaigneusement simple des œuvres de talent, brochées ; ils les heurtent, les écrasent, les dissimulent.

Claudia comprenait douloureusement à présent que cette apparence dont la revêtait sa fortune était à sa personne la reliure riche du livre vide, cette magie qui attirait invinciblement les hommages, les sympathies, les amitiés. Et elle s’interrogeait, mortellement curieuse de savoir si elle méritait vraiment ses succès ou si, dépouillée comme ses cousines de cette parure irrésistible, elle plairait encore, pour le seul charme de son être, pour son visage, son regard, pour son âme !

Les couples tournoyaient toujours devant elle, les couleurs tièdes et chatoyantes des jupes soyeuses ondulaient dans un flot perpétuel. Elle percevait le grand piétinement du bal qui imprimait au plancher des vacillements, mais,