Page:Yver - Un coin du voile.djvu/19

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davantage. Il se surprit, le lendemain, à gravir plus vite que de coutume, les pentes du cimetière. Ce jour-là, il lui fut loisible de la voir quand elle vint à la tombe. Elle paraissait vingt-cinq ans, ses yeux étaient beaux, et lassés, et au paroxysme de son chagrin une résignation très noble se lisait en elle. Il semblait au jeune homme voir un être d’exception, une âme précieuse et rare, et il s’émut plus vivement aujourd’hui, bien qu’elle n’eût pas pleuré.

Le troisième jour il la revit. Ses artères battirent. Un trouble pour la première fois le prenait — et comme les jours d’ouragan, sur la montagne, l’invincible force du vent vous enveloppe, vous porte et vous pousse, quelque chose d’invisible et de fort comme la tempête le poussait à cette inconnue.

Et voici qu’à son cours, soudain, en parlant, à la Nationale où il fouillait des manuscrits, la nuit, dans les ténèbres de sa chambre, il revoyait sans cesse cette frêle femme, secouée de douleur, les yeux clos, les mains tordues. Mais, s’analysant implacablement, il ne fut pas dupe de cette crise :