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Page:Yver - Un coin du voile.djvu/20

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« C’est un entraînement vers cette jeune fille, se dit-il. La chose devait m’arriver un jour ou l’autre. La nature est insidieuse. Contre ceux qui se sont fait une loi de repousser l’amour, elle a des ruses. Elle trouve en eux plus de prise aussi parce qu’ils sont inexpérimentés et neufs comme des enfants, et alors ses assauts sont redoutables. Le sceptique sage serait celui qui, à tous les détours de la vie, en mille passions anodines, userait peu à peu, graduellement, sans grandes secousses, sa puissance d’aimer. Le jour des surprises violentes il n’aurait pas dans le cœur l’étonnement, la folie, le chagrin dont j’ai gardé les puissances intactes, depuis l’adolescence. Réagissons !

Et il réagit.

Il chassa l’obsédante pensée, travailla double, courut un jour, à pied, de Montmartre à Vaugirard, se prohiba l’entrée du Père-Lachaise, bien que chaque jour, à midi, — l’heure des rencontres, — avec des gouttes de sueur au front, il dût se cramponner à son vouloir impitoyable, pour ne pas aller furtivement, entre deux tombes, revoir quelques minutes la pauvre créature