Page:Yver - Un coin du voile.djvu/197

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naguère. Combien peu ses vrais trésors, ceux de sa vie intérieure, comptaient maintenant pour tous ces gens préoccupés seulement du luxe, de la mode ou du désir de paraître !

— Vous êtes fatiguée, mademoiselle ? lui demanda soudain le beau danseur.

En effet, malgré son air enjoué, Claudia n’avait pu retenir un soupir de tristesse, de désillusion suprême. Oh ! si elle avait pu savoir qu’en un coin de la société se trouvait une élite dédaigneuse de ce qui est illusoire, vivant dans le recueillement, nourrie de pensée, éprise de méditation et de rêve.

Et Claudia, à ce point de ses réflexions, vit clairement, sans s’expliquer pourquoi, l’image du jeune savant plébéien qu’elle avait évincé le soir du bal. Il s’appelait André Bertrand. Son nom lui revenait aux lèvres. Était-il digne d’estime ou de mépris ? Elle n’aurait su le dire, mais aujourd’hui elle lui était reconnaissante de lui avoir montré un visage énergique, stigmatisé du travail cérébral, au milieu de toutes ces faces d’hommes blêmies dans le désœuvrement.