Page:Yver - Un coin du voile.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

globe diaphane semblable à une lune. Tous deux dans la pénombre causaient à voix basse, le plus souvent se taisaient. Et le vieux monsieur, rigide dans son fauteuil, les bras croisés, son beau visage très noble en pleine lumière, illisiblement suivait son rêve mystérieux.

Le jeune juge hasarda un jour, au milieu de leurs projets d’avenir, la question pénible :

— Et votre pauvre papa ?

— Mon père ? répéta Hélène vivement.

Puis elle se tut. Une angoisse affreuse lui serrait le cœur.

Elle n’avait pu imaginer jusqu’ici que son mari la prît sans son père ; elle se sentait inséparable de son « vieux », trop nécessaire à cette pauvre vie dévastée. En toute sincérité, elle aurait trouvé très simple de l’amener avec elle dans son ménage, son grand enfant, son « petit ». Mais soudain en rougissant, elle comprenait son erreur. Comment, ce garçon brillant, à l’avenir prometteur, qui la prenait sans dot, assumant à lui seul les charges lourdes du foyer qu’on crée, devrait, en outre, recueillir un infirme. Qu’avait-elle pensé !